Défi 101 jours

Comment utiliser les conflits intérieurs pour bâtir un dialogue de fiction

Défi 101 jours – Jour 6

« Il n’allait pas y arriver. Il sentait qu’il allait abandonner, lamentablement, qu’il n’était pas capable d’arriver au bout de son objectif. Il n’était pas écrivain, point. Tout ce qu’il avait réussi jusqu’à présent, c’était de devenir quasi alcoolique, consommateur de séries toutes les nuits, traîne savate sans volonté, bref, tout ce qu’il détestait et méprisait.

Il avait aussi été suffisamment stupide pour se faire piquer son idée de roman par son ancien camarade de classe, ce petit garçon immigré qui parlait mal le français et qu’il avait pris un malin plaisir à harceler. Ce petit garçon sans défense était devenu professeur de lettres à la Sorbonne et auteur de huit romans à succès.

Quand il y pensait, ses joues chauffaient. Il s’en voulait de sa naïveté. Il aimait penser que ce qu’il ressentait était de la colère, mais en fait il avait honte. Honte de lui et de s’être fait avoir. Lui, Victor D., cadre dans une multinationale pharmaceutique, qui menait sa carrière avec brio, cynisme et sans état d’âme. Viré et remplacé par un bonhomme un peu balourd. Il avait fulminé, il avait gueulé, et maintenant, il avait honte. Il était chômeur depuis plus d’un an, il n’avait pas réussi à écrire son roman, il n’avait pas de projet de vie, il était déprimé. »

Guerre civile mentale

Dans la tête de Victor, il y a une guerre. Une bataille silencieuse, mais violente, où plusieurs forces s’affrontent : ses ambitions, ses peurs, son passé, ses regrets. Et parmi elles, la honte. Insidieuse, persistante, parfois paralysante, elle peut devenir un véritable personnage dans une histoire.

Si on appliquait la méthode du Voice Dialogue, développée par Hal et Sidra Stone, à l’écriture de fiction, que se passerait-il ? Au lieu de se limiter à une sensation diffuse, la honte deviendrait une voix distincte, un antagoniste interne, une présence qui parle, argumente, manipule, rabaisse ou pousse à l’action.

Alors comment transformer cette force invisible en un élément puissant de votre récit ?

Quand la honte devient un personnage

Victor. Autrefois cadre arrogant et sûr de lui, il a tout perdu. Son job, son statut, son ambition. Il voulait écrire un livre ? Il arrive tout juste à ouvrir un fichier Word et à écrire « Chapitre 1 ».

Si la honte prenait la parole, voici ce que cela donnerait :

La honte : « Alors, Victor ? Un an sans boulot et tu crois que tu peux être écrivain ? Tu n’arrives même plus à te lever à l’heure. »
Victor: « Je pourrais essayer… »
La honte: « Essayer ? Comme tu as essayé de garder ton job ? Comme tu as essayé d’avoir du talent ? »

Ce qui était une simple émotion devient un véritable dialogue, un affrontement interne qui donne de l’épaisseur au personnage.

Les sous-personnalités en conflit

Victor n’est pas uniquement rongé par la honte. Il est traversé par des voix contradictoires, des parties de lui-même qui se battent pour prendre le contrôle.

Voici quelques sous-personnalités qui pourraient dialoguer avec elle :

  • Le Critique Intérieur : impitoyable, il ne rate jamais une occasion d’enfoncer le clou.

« Elle a raison. Tu es un raté. Arrête de te mentir. »

  • Le Mâle Alpha Déchu : Victor a bâti son identité sur la domination et la réussite. Voir son empire s’effondrer est insupportable.

« Moi, un chômeur ? Moi, dépendre des allocations ? Ce n’est pas possible… Ce n’est pas moi. »

  • L’Enfant Blessé : sous la honte et l’orgueil, il y a la peur.

« J’ai juste peur… Peur d’être oublié. Peur que ce soit vraiment fini. »

  • Le Survivant : il refuse de se laisser couler.

« Il y a peut-être une issue. Mais pas en restant là à t’apitoyer. »

Par le biais de ces différentes voix, on crée un véritable échange interne, qui donne du relief aux tourments du personnage et rend son évolution plus captivante.

La honte : antagoniste ou moteur ?

Dans la plupart des récits, la honte est vécue comme un obstacle. Une force qui paralyse, empêche d’agir, enferme le personnage dans une spirale d’échec.

Mais à un moment, elle peut évoluer.

Victor : « Pourquoi tu es là ? Pour me détruire ? »
La honte : « Non. Je veux que tu sois quelqu’un. Parce que là, tu n’es plus rien. »
Victor: « Si je me relève, tu me laches ? »
La honte: « Pas forcément. Mais je te ferai peut-être moins mal. »

D’un poids paralysant, la honte peut devenir un levier de transformation. Ce n’est plus seulement une force négative, mais un élément moteur du récit, qui pousse le protagoniste à évoluer.

Intégrer ce dialogue interne dans une fiction

Pour approfondir vos personnages et rendre leurs dilemmes plus tangibles, essayez cette approche :

Identifiez leurs conflits internes : quelles sont les forces qui s’affrontent en eux ?
Faites-les parler : donnez-leur des voix distinctes, comme s’il s’agissait de personnages à part entière.
Montrez leur évolution : au fil du récit, certaines voix prendront de l’importance, d’autres s’adouciront ou se transformeront.

Un personnage qui dialogue avec lui-même n’est plus un simple observateur de ses émotions. Il devient l’arène de sa propre lutte intérieure. Et c’est ce qui rendra son histoire si captivante.

Ce conflit intérieur, résonne-t-il avec vous ? Ces voix, les entendez-vous aussi ? Qu’est-ce que ça dit de vous ? Vos batailles sont un matériau de choix pour bâtir une fiction explosive. Tout comme vos textes les plus brûlants sont – peut-être – révélateurs de choses bien enfouies. 😊

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