Comment un dialogue intérieur peut éclairer une trahison
Défi 101 jours – Jour 8
« Dans la vie de Violette, il y avait eu un horrible bonhomme. Un type que ses parents aimaient, un ami même. Mais Violette le détestait. Ce sale type lui faisait peur. Chaque fois qu’elle le voyait, il lui serrait la main à la broyer et lui faisait les gros yeux.
C’était chaque fois la même histoire. Ce sale type lui faisait vraiment peur.
Un jour, elle savait qu’il allait être là, chez elle. Ses parents l’avaient invité, avec d’autres amis, plutôt gentils ceux-là. Violette avait préparé un plan. En descendant l’escalier, elle filerait dans la cuisine et irait se perdre dans les gens pour éviter son ennemi. Elle ne dirait pas bonjour. Bien pensé. C’était carré, cette fois, il ne lui ferait pas de mal.
Mais la chance n’était pas au rendez-vous ce jour-là. Quand elle descendit l’escalier, elle vit la porte du salon grande ouverte et juste derrière, lui, à côté de son père. Alors comme une bonne petite fille, gentille et bien élevée, la mort dans l’âme, elle tendit la main pour lui dire bonjour. Même cinéma, il lui fit les gros yeux, lui broya la main. Elle se mit à pleurer et dans sa détresse, leva les yeux vers son père, en quête de soutien. Et là… son père riait.
Ce jour-là, elle mourut. Quelque chose de la petite fille confiante et curieuse de la vie mourut. Le rire de son père lui coupa les jambes. Elle ne pouvait pas lui faire confiance. Son père l’avait trahie. Elle n’avait plus de force. On dit que les petites filles sont folles amoureuses de leur père. Ça ne la concernait pas. Depuis ce jour-là, il ne fut plus qu’un épiphénomène à supporter, comme tant d’autres dans la vie. »

Dialogue intérieur – Violette et les voix dans sa tête
Si vous avez vécu ce genre d’événement, c’est peut-être la bagarre à l’intérieur. Un tiraillement entre l’amour pour Papa (mon père ce héros), la trahison (mon père, ce zéro), l’injustice, la haine pour le sale sale type. Le Voice Dialogue peut illustrer les sous-personnalités en action et éclaircir ce qui se joue à plusieurs niveaux et qui est en conflit. Toutes les sous-personnalités font partie de la personne et on ne peut ni écarter ni oublier aucune d’elles.
Petite mise en scène autour de la trahison.
Les personnages intérieurs
- Violette l’enfant blessée : la part qui a souffert du traumatisme.
- Le Juge intérieur : la voix qui critique ou minimise la douleur.
- La Rebelle : celle qui veut se défendre, en colère contre l’injustice.
- L’Adulte bienveillant : la part plus sage qui peut consoler et protéger.
En scène…
Un truc gronde à l’intérieur. Un mélange de tristesse, de colère et de ce vieux sentiment d’injustice qui refuse de se dissoudre. Alors, plutôt que de le repousser, autant aller voir ce qu’il veut dire.
(Silence. Puis, une petite voix hésitante se fait entendre…)
Violette l’Enfant blessée (voix fluette, incertaine)
– Pourquoi il a ri ? Pourquoi il n’a rien dit ? J’avais peur, j’avais mal, et il a juste… ri. Comme si ma douleur n’existait pas. Comme si moi, j’existais pas.
Le Juge intérieur (ton sec, tranchant, agacé)
– Bon, on va pas en faire une montagne non plus, hein. C’était une poignée de main un peu forte, pas une agression. Tu sais, les adultes, ils rigolent parfois quand ils sont mal à l’aise. Il a pas fait exprès.
La Rebelle (explose, bras croisés, regard noir)
– Ah non mais attends, c’est quoi cette excuse en carton ? « Il a pas fait exprès », et alors ? Ça change quoi au fait qu’une gamine a pleuré et que son père a choisi de rire ? C’est ça qu’on devrait avaler ? Juste parce que c’était censé être drôle, tout va bien ?
(Silence. Quelque chose se tend à l’intérieur.)
L’Enfant blessée (plus franche, presque en colère maintenant)
– Alors pourquoi j’ai l’impression que c’est interdit de dire que ça m’a fait mal ?
Le Juge intérieur (moins sûr de lui, cherche une réponse)
– Parce que… Parce que si on commence à creuser, on sait pas ce qu’on va trouver. Peut-être que c’était pas que cette fois-là. Peut-être qu’il y a d’autres moments comme ça. Et si on ouvre la porte… ça pourrait tout faire vaciller.
(Un frisson. Comme une vérité inconfortable qui vient d’être effleurée.)
L’Adulte bienveillant (calme, posé, avec une douceur ferme)
– J’entends tout ça. Je vois la peur du Juge, la rage de la Rebelle, la douleur de Violette. Et vous avez tous raison, à votre manière.
(Pause. On sent que ça travaille à l’intérieur.)
– Mais Violette, tu as le droit d’avoir été blessée. Et surtout, tu as le droit de le dire.
(L’Enfant blessée lève la tête. On dirait qu’elle retient son souffle.)
– Ce qui s’est passé n’était pas rien. Ce que tu as ressenti était réel. Et tu n’étais pas trop sensible.
(Silence. Quelque chose commence à fondre.)
La Rebelle (plus posée, mais toujours là)
– Ok. Et maintenant, on fait quoi ?
L’Adulte bienveillant (avec un sourire tendre)
– On imagine une autre fin.
L’Enfant blessée (prudemment)
– Une où… je dis non ?
La Rebelle (les yeux qui brillent, pleine d’énergie)
– Oh oui, j’aime bien ça ! Une où tu te plantes devant lui, où tu gardes tes mains derrière ton dos et tu le fixes droit dans les yeux. Une où tu refuses de lui donner ta main.
Le Juge intérieur (soupire, capitule un peu)
– Bon… Je veux bien essayer. Mais si ça part trop en mode « émotions dégoulinantes », je garde le droit d’intervenir.
L’Adulte bienveillant (clin d’œil)
– Deal.
(Silence. L’énergie a changé. Comme un poids qui s’est déplacé. Ce n’est pas encore totalement guéri, mais il y a un peu plus d’espace, un peu plus de souffle. Peut-être, juste peut-être, que Violette commence à se sentir un peu plus forte.)
Ce qu’on en retient ?
Les blessures ne guérissent pas en les niant, ni en les dramatisant. Elles guérissent quand on leur fait de la place. Quand on écoute l’enfant blessé, quand on honore la colère de la Rebelle, quand on rassure le Juge qui veut nous protéger, et surtout, quand on apprend à se tenir debout face à ce qui nous a blessés.
Et peut-être, un jour, cette histoire ne sera plus un poids. Juste un souvenir. Un truc qui a existé, mais qui ne nous définit plus. Un truc qu’on a transformé. Et avec la fiction, vous avez le pouvoir de mettre en scène toutes sortes de situation, de prendre du recul, d’observer et de transformer.