Défi 101 jours

Quand le vide parle : fatigue existentielle ou transgénérationnelle ?

Défi 101 jours – Jour 26

« Certains jours, il n’avait plus envie de rien. Rien du tout. Même la photo animalière ne le tentait plus. Ni la junk food. Ni le meilleur des bouquins. Ni les retrouvailles avec Poppy dans le café de Soho. Rien. Il n’avait envie de rien. Encéphalogramme plat. Émotionogramme plat. Mort du cœur. Mort de l’énergie vitale. Pourtant il était encore vivant. Son body fonctionnait avec la régularité habituelle. Il ne faisait rien pour, mais son cœur battait et il respirait.

Ça l’emmerdait même parce que dans ces moments-là, il aurait voulu se mettre en pause. Le temps que l’envie revienne. Parce que vivre ce rien était pénible et même parfois culpabilisant. Parce que la mode était au bonheur, au bien-être, à la satisfaction de soi, à la joie de vivre. À cette putain de joie de vivre colportée par la télé, les pubs et les réseaux sociaux. La damnation des réseaux sociaux. La vie instagrammable. Pourquoi cette obligation d’être toujours au top, en forme, actif, énergique, positif ? ça le fatiguait…

Oui, bien sûr il avait de la chance par rapport à des tas d’autres gens, mais le fait d’être au chaud consolait-il de la solitude et du vide intérieurs ? Ces jours-là, il était en mode touche-à-tout, sans rien finir. Un coup d’Insta, deux pages de bouquins, regarder par la fenêtre, se recoucher dans le canapé, prendre son téléphone pour envoyer un message, puis ne pas le faire, retourner sur Insta. L’Insta-bilité totale… Et il ne savait pas quoi faire d’autre. C’était des jours de grosse fatigue, mais il ne se décidait pas à se mettre au lit pour dormir. Martin lui avait dit de méditer, et ça, ça l’avait fait rire. Parce que méditer était la dernière chose à laquelle il pensait. Ou d’aller courir, courir jusqu’à en mourir. Mais il n’avait pas d’énergie pour ça non plus. Si ne rien faire n’était pas aussi culpabilisant, il aurait pu encore accepter. Mais c’était culpabilisant.

Il aurait pu tenter d’examiner ce vide ou ce rien, mais c’était flippant et de toute façon, il ne savait pas comment faire. Rien dans sa vie ne le prédisposait à ce rien, sauf peut-être tout ce qui s’était passé, avant, et dont il n’avait pas de souvenir. Ce qui venait sans doute dans ses cauchemars et dont il ne connaissait pas la raison. Donc il survivait dans ce rien, sans le vivre vraiment. Parce que dans ce rien, il n’était pas vraiment vivant… »

Plonger dans le vide

Il y a des jours où l’on n’a plus envie. Plus envie de créer, de bouger, de voir qui que ce soit. Plus envie de rire, ni même de se nourrir de ses passions. Ces jours-là, on flotte. On tient debout parce que le corps s’en charge. Mais à l’intérieur, c’est l’arrêt. Le vide. Le néant.

C’est ce que raconte le personnage de ce texte de fiction. Un homme qui se débat sans bruit avec une fatigue que rien ne soulage, pas même l’évasion, pas même la beauté. Une lassitude d’être, profonde, sans contour défini. Une crise silencieuse, mais tellement reconnaissable pour ceux qui l’ont traversée.

Et si ce vide, justement, avait quelque chose à dire ?

Un vide qui n’est pas vide

Dans ce récit, le vide est omniprésent. Il n’est pas décoratif. Il est central. Presque sacré. Il a une texture, une consistance. Il n’est pas simple absence, il est présence d’un manque.

Le personnage ne “va pas mal” au sens classique. Il ne pleure pas, ne crie pas, ne s’effondre pas. Mais il est comme hors d’usage. Un appareil encore allumé mais sans signal. L’image d’un encéphalogramme plat n’est pas anodine : elle dit une vie sans intensité, sans relief, où le vivant s’est retiré quelque part sans prévenir.

Et ce n’est pas un caprice. Ce n’est pas une flemme. C’est une fatigue ontologique, qui dit quelque chose de notre époque, mais aussi, peut-être, de notre histoire familiale.

Quand le passé pèse sans se dire

À un moment du texte, cette phrase affleure :
“Rien dans sa vie ne le prédisposait à ce rien, sauf peut-être tout ce qui s’était passé, avant, et dont il n’avait pas de souvenir.”

On pourrait passer vite dessus. Mais c’est là que le texte bascule. Car ce « avant » non daté, non identifié, mais ressenti ouvre une piste vertigineuse : celle de la mémoire transgénérationnelle.

Et si ce vide n’était pas à lui seul ?
Et s’il portait, sans le savoir, les silences d’avant lui ?
Des absents, des secrets, des drames jamais digérés, jamais racontés ?

Le poids invisible de ce qui n’a pas été dit

La psychogénéalogie, portée notamment par Anne Ancelin Schützenberger ou Françoise Dolto, nous apprend que l’histoire d’une famille ne commence pas avec nous. Que certains traumatismes — non parlés, non pensés — peuvent se transmettre par le corps, par les symptômes, par les silences.

Un deuil empêché, une guerre tue, une honte enfouie, une séparation brutale : quand ce qui fait douleur ne peut être mis en mots, il se fige. Et ce sont parfois les générations suivantes qui en ressentent le poids, sans en avoir la clé.

Le vide intérieur du personnage, ce “rien” paralysant, pourrait bien être le trop-plein d’une mémoire héritée. Un trop-plein de ce qui n’a pas été vécu, pas digéré, pas nommé.

L’injonction à la joie : une violence moderne

Un autre élément important de ce texte, c’est la lucidité sociale. Le personnage sait bien que le monde ne tolère pas son état. Que l’époque exige de l’énergie, du sourire, de la joie “instagrammable ” .

Ce n’est pas nouveau, mais c’est devenu plus insidieux : le mal-être n’a plus droit de cité. Il faut être lumineux, productif, inspirant. Et celui qui décroche — même doucement, même sans bruit — devient suspect.

Alors le vide se double de culpabilité. Et c’est sans doute le plus douloureux.

Et pourtant… le fil de vie

Ce qui sauve ce personnage, c’est qu’il raconte. Même dans la torpeur, même dans la lassitude, il y a encore un narrateur en lui. Quelqu’un qui observe, qui met en mots, qui cherche à comprendre.

Ce n’est pas rien.

C’est la trace d’un désir de vie — même ténu, même voilé.

Parce que celui qui parle encore n’a pas tout abandonné. Et peut-être que ce vide, ce “rien”, est en réalité le début de quelque chose. Une mue. Une traversée. Un appel à se reconnecter — à soi, à son histoire, à ses racines.

Explorer le vide, c’est aussi explorer sa lignée

Dans une approche psychogénéalogique, la question n’est pas tant “pourquoi je me sens comme ça ?”, mais :
“À qui d’autre cela est-il arrivé, sans jamais avoir pu le dire ?”

Le travail n’est pas magique. Il ne guérit pas tout. Mais il peut :

  • remettre des mots là où il n’y avait que du silence,
  • relier des points entre les générations,
  • redonner une forme à l’informe,
  • et surtout, permettre de reprendre sa juste place dans la chaîne humaine.

Du vide hérité à l’existence choisie

Le vide du personnage n’est pas une impasse. C’est un lieu de passage. D’attente. D’écoute. Un lieu où se croisent le passé non digéré, les attentes sociales absurdes, et un besoin profond de sens.

Et dans ce silence, dans cette “instabilité totale”, il y a un potentiel immense : celui de devenir enfin soi, libéré de ce qui n’a jamais été exprimé.

Ce texte est une porte entrouverte. Un souffle discret. Une preuve que, même dans l’éteignoir, le vivant ne lâche pas.

Que pourrait faire ce personnage avec ce vide ontologique ? Ou son auteur ?

Écrire depuis le vide  : “Quelqu’un marche derrière moi”

Quand on ne ressent plus rien, quand l’élan manque, il reste parfois un murmure.
Une impression floue.
Celle que ce vide ne vient pas seulement de vous. Qu’il y a, quelque part, des pas derrière les vôtres.
Que ce que vous portez est plus ancien que vous.

1 – Le ressenti du vide

Commencez votre texte en décrivant un moment où votre personnage est à l’arrêt.
Pas forcément triste. Juste éteint. Sans envie.

Commencez par cette phrase si vous le souhaitez :

« Depuis quelques temps, il ne faisait plus rien. Tout lui glissait dessus comme de l’eau tiède. »

Laissez venir ce que cela fait dans le corps, dans les pensées, dans le quotidien.
Décrivez sans jugement. Sans chercher de cause.

2 – L’impression d’une présence

À un moment, votre personnage perçoit quelque chose.

Une sensation dans la nuque.
Un rêve récurrent.
Une photo qui le regarde depuis un coin.
Une chanson venue de loin.

Quelque chose ou quelqu’un marche derrière lui, symboliquement.
Un “absent” peut-être. Un aïeul. Une femme oubliée. Un enfant perdu dans la mémoire familiale.

Introduisez cette présence par une phrase comme :

« Ce n’était pas une peur. Plutôt… une compagnie invisible. »

Et laissez cette figure venir sans trop vouloir la comprendre.

3 – Le dialogue muet

Votre personnage ne sait pas qui est là.
Mais il sent que cette présence porte quelque chose qui ne lui appartient pas tout à fait.

Invitez-le à écrire (ou penser) une lettre intérieure à cette figure silencieuse.

Par exemple :

« Je ne sais pas qui vous êtes. Mais je sens que vous êtes là. Et que vous attendez quelque chose de moi. »

Puis laissez le personnage poser des questions. Ou juste nommer ce qui pèse : la fatigue, l’envie absente, la culpabilité vague.

4 – L’objet-témoin

Votre personnage découvre ou imagine un objet. Quelque chose de simple, mais chargé.

  • Un carnet jamais ouvert
  • Une bague ancienne
  • Un vêtement d’enfant
  • Un trousseau de clefs
  • Une boîte en métal
  • Un papier jauni

Il ne sait pas d’où il vient exactement. Mais cet objet semble lier son vide à une histoire plus grande.

Vous pouvez écrire :

« Il le prit dans ses mains. Ce n’était pas le sien. Et pourtant, ça résonnait. »

Laissez l’objet faire pont, sans tout expliquer. Il est là pour accueillir un poids, pour transmettre un message implicite, pour remettre du mouvement.

5 – Le petit geste d’aujourd’hui

Enfin, écrivez un geste minuscule que votre personnage fait en lien avec cette présence.

Pas pour résoudre. Pas pour guérir. Juste pour reprendre un peu sa place dans la chaîne du vivant.

Par exemple :

  • Il enterre l’objet dans le jardin
  • Il allume une bougie et reste en silence
  • Il écrit un prénom sur une feuille et le laisse là
  • Il remet un pull appartenant à quelqu’un d’avant
  • Il se lève et ouvre une fenêtre, sans raison

Et concluez ainsi :

« Ce n’était pas grand-chose. Mais dans ce geste, il avait repris quelque chose pour lui. Et rendu, peut-être, ce qui ne lui appartenait plus. »

Pourquoi cette fiction peut faire du bien

Parce qu’elle offre une place au vide, tout en le reliant à quelque chose de plus vaste : une histoire, une mémoire, une lignée.
Parce qu’elle invite à faire un geste, même symbolique, qui ne nie pas la fatigue mais redonne un peu de pouvoir narratif.

Et parce qu’en imaginant un personnage faire cela, vous pourriez sentir que vous aussi, vous marchez moins seul.

Et vous, ça vous arrive de vous sentir vide? Que faites-vous dans ces cas-là?

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