
8 raisons de relever la tête quand tu viens d’abandonner
Petit manuel d’anti-honte
1. Tu n’es pas une imprimante.
Tu crois que Stephen King écrit tous les jours sans faillir ? Peut-être. Mais tu n’es pas Stephen King, tu es un être humain avec des émotions, un agenda, et potentiellement une addiction au scroll nocturne.
Tu n’as pas “échoué” : tu as juste arrêté de jouer à l’usine.
Les machines sont conçues pour répéter. Les humains, pour ressentir, réagir, digresser, parfois s’effondrer dans une couverture en fausse fourrure.
L’idée que tu devrais produire tous les jours, peu importe ton état émotionnel, c’est un fantasme d’ingénieur du XXe siècle. Pas un principe spirituel.
Créer, c’est chaotique. Parfois tu écris 3 textes en un soir, parfois tu pleures dans ta soupe de pâtes alphabet, sans ponctuation. C’est normal.
Tu n’as pas été programmé·e, tu es né·e. C’est déjà un bug dans le système capitaliste. Savoure.
2. Tu as créé quelque chose. Donc tu as déjà gagné.
Même si tu as tenu 6 jours, tu as pondu 6 textes. Soit 6 de plus que tous les gens qui “ont toujours voulu écrire mais n’ont jamais eu le temps parce que bon, la vie, tu vois”.
Tu as un début de corpus. Eux, ils ont des excuses.
Tu penses à ce que tu n’as pas fait. Classique. Tu as l’impression que le défi s’est arrêté à la ligne rouge du calendrier.
Tu as écrit. Point. Tu as exprimé quelque chose. Tu as produit. Tu as traversé quelque chose.
Les vrais artistes ne terminent pas toujours leurs œuvres. Parfois, ils les balancent dans un coin et pleurent. Et ensuite, ils recommencent.
3. Tu viens d’identifier ce que tu ne veux ne pas refaire.
Tu sais ce qui marche pas : les défis irréalistes, les deadlines suicidaires, et les plans d’écriture faits à 23h47 sur un coup de dopamine.
Tu viens de gagner un doctorat en “mécanique de l’échec créatif”. Et ça, c’est sexy.
Tu sais maintenant que “2000 signes par jour avec analyse psy et atelier d’écriture”, c’est peut-être un poil trop quand tu dois aussi payer tes impôts et nourrir ton chat. Et tes enfants.
L’échec, c’est juste du design en bêta-test. Chaque plantage te rend plus précise. (Ça vaut aussi pour les hommes, mais je hais l’écriture inclusive.)
À condition de ne pas le recycler en autoflagellation mais en observation bienveillante (et un peu cynique, de préférence).
4. Personne ne lit autant ta vie que toi.
Tu crois que le monde entier a vu que tu t’étais engagée à écrire 101 jours ? Faux. Personne n’a fait de tableau Excel pour suivre ton assiduité.
Les gens sont trop occupés à abandonner leurs propres projets.
La honte est une illusion narcissique. Reprends ton pouvoir, petit flocon dramatique.
Tu crois que tout le monde t’a vu lâcher ? Non. Personne ne regarde. Et s’ils regardent, ils oublient.
Les gens sont occupés à s’inquiéter de leur propre image. Tu n’es pas au centre de leur tragédie personnelle.
Alors relâche cette tension : tu peux planter ton défi sans que la police du contenu vienne sonner chez toi. (Sauf si tu les as tagués tous les jours avec #101jours. Là, tu mérites un petit mail moqueur.)
5. Tu viens d’activer le mode “sincérité”
Maintenant que tu n’as plus à tenir ton défi, tu peux écrire ce que tu veux, quand tu veux, sans avoir à faire semblant que tout va bien.
Bienvenue dans la vraie créativité : celle qui naît quand la pression meurt.
Tu peux écrire sans l’obsession de la performance. Tu peux arrêter de jouer le rôle du créatif “constant et inspirant”. Tu peux t’autoriser à dire “aujourd’hui j’ai rien à dire, et c’est aussi un message.”
Le monde a assez de contenus forcés, propres et morts à l’intérieur.
Ce dont on manque ? De mots vrais, pas marketés. D’humains un peu fatigués qui osent l’authenticité. Tu viens d’entrer dans le club. Cotisation : ton ego.
6. Tu as vécu un petit deuil. Et tu es encore debout.
Tu as dit adieu à une version fantasmée de toi-même : celle qui allait écrire sans faiblir, avec une lumière divine et un rythme de moine scriptural.
Elle est morte. R.I.P.
Et c’est tant mieux, parce que cette version était chiante. Toi, tu es vivante, avec des angles, des humeurs, du feu et du foutoir.
Tu as perdu un fantasme. Un idéal. Une version de toi qui allait “enfin tenir quelque chose jusqu’au bout”. Tu l’as enterrée. Et tu es encore là. C’est déjà énorme.
L’abandon t’oblige à faire face à l’identité derrière la performance. Qui suis-je si je ne suis pas “celle/celui qui écrit tous les jours” ?
Spoiler : tu es toujours toi. En plus lucide.
7. L’écriture, ce n’est pas un sport olympique.
Il n’y a pas de médaille en toc pour le “plus grand nombre de textes produits en un temps absurde pendant que tu étais en burn-out partiel”.
Par contre, il y a de la joie, du sens, et parfois une phrase qui change une vie.
Spoiler : elle ne naît pas sous la contrainte.
Il n’y a pas de podium. Il n’y a pas de juges. Sauf si tu veux quand même une médaille, tu peux t’en imprimer une avec écrit “Championne de l’abandon glorieux”.
Ta valeur n’est pas proportionnelle au nombre de signes produits.
Tu n’es pas un distributeur automatique de contenu. T’as pas été mis·e sur cette Terre pour “poster régulièrement”. Respire.
8. Tu peux recommencer. Différemment.
Tu n’as pas gâché quoi que ce soit.
Tu as fait une tentative. Tu peux en faire une autre. Peut-être plus douce. Plus adaptée. Plus punk.
Ou pas. Tu peux aussi te poser, écrire une fois par semaine, ou une fois par mois, et kiffer quand ça vient.
Et si tu ne recommences pas ? Devine quoi : le soleil se lèvera quand même demain.
Abandonner ne ferme pas la porte. Il l’entrouvre pour voir s’il n’y aurait pas un autre passage moins con à côté.
Tu peux reprendre, autrement. Ou pas du tout. Tu peux changer de rythme, de style, de plateforme. Tu peux écrire un mail par mois ou un roman en un mois. Qui s’en fout ? Toi. Et c’est suffisant.
Ce que tu fais maintenant compte plus que ce que tu n’as pas fini.
Bonus : Ce que tu peux faire maintenant
- Écris un texte qui se fout du style. Écris moche, trash, inutile. Juste pour toi. De la fiction, de la fantasy, du punk polar, de la romance dark ou licorne.
- Liste les trucs que tu as aimés dans ton défi (y en a sûrement deux ou trois) et ceux que tu veux jamais revivre (genre l’angoisse du jour 17).
- Envoie un message à un autre humain pour lui dire “j’ai abandonné et j’ai survécu”. Tu vas peut-être sauver quelqu’un d’un perfectionnisme mortel.
Moralité ?
Tu n’es pas en train d’échouer. Tu es en train de muter.
Et dans ce monde rempli de robots motivés par l’algorithme et les likes, être un·e créateur·rice vivant·e, incohérent·e, à la fois productif·ve et chaotique… c’est peut-être le plus grand acte de résistance.
QUIZ : Quel type d’abandonneur/neuse es-tu ?
Une introspection inutile mais précise pour te sentir validé·e malgré ton échec flamboyant
1. Pourquoi as-tu abandonné ton défi d’écriture ?
A. Mon cerveau a brûlé en silence.
B. J’ai “oublié un jour”, puis un autre, puis la vie m’a frappé dans le dos.
C. Je me suis auto-saboté comme une star.
D. J’ai décidé que la liberté était plus sexy que la discipline.
2. Quelle a été ta réaction immédiate ?
A. Honte, culpabilité, et un scrolling vengeur sur Instagram.
B. Une micro-sieste suivie de justification intérieure très élaborée.
C. “Je suis une merde” murmuré dans un pot de crème glacée.
D. Soulagement, champagne, et peut-être un cri primal.
3. Tu comptes recommencer ?
A. Oui, mais cette fois je vais me punir encore plus.
B. Peut-être… quand Mercure rétrogradera dans un signe d’air.
C. Non, mais je vais dire que oui pour éviter de paniquer les gens.
D. Nope. J’ai mieux à faire. Genre vivre.
4. Ton animal-totem d’abandon est :
A. Un hamster qui court dans sa roue, puis se rend compte que la roue est une illusion.
B. Un chat qui s’endort sur le clavier en pleine phrase.
C. Un pigeon qui se prend une vitre.
D. Un lama qui crache sur la discipline.
Résultats :
- Majorité de A : L’Auto-Flagelleur Poétique — Tu souffres magnifiquement et tu fais des haïkus dessus.
- Majorité de B : Le Dériveur Astral — Tu flottes au gré des vents lunaires et de la fatigue sociale.
- Majorité de C : Le Tragique Romantique — Tu fais de l’abandon une œuvre d’art dramatique.
- Majorité de D : Le Prophète Détaché — Tu as transcendé le challenge et tu vis dans une autre dimension (félicitations, on te déteste un peu).

2 commentaires
CorinneAkMelu
Ah oui, écrire de la fiction, j’adore et j’ai fait !
« un véritable terrain de jeu pour explorer nos rêves, nos blessures, nos fantasmes… »
Mais je ne savais pas que ça pouvait m’aider.
Merci pour cet article du coup. Je reviendrai…
Caroline
Merci Corinne. Reviens quand tu veux! 😉 C’est important de jouer, à tout âge, et nos personnages peuvent tout endurer, pendant qu’on observe ce qu’ils vivent et qu’on prend conscience de nos fonctionnements.